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Nuit chaude à Casablanca

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Message par shadow Sam 9 Sep - 16:41

Nuit chaude à Casablanca


Casablanca, la nuit, cache son effervescence dans un calme apparent. Les points chauds sont concentrés à quelques endroits. La prostitution est presque partout et à tous les niveaux. Le luxe est à Aïn Diab ou se terre dans les hôtels luxueux. Alors que sur les boulevards du centre ville, de vieilles filles vivent à 20 ou 30 dirhams la passe. Les travestis eux, ont fait du parc de la ligue arabe leur fief. Reportage.
CE qu’il y a de plus marquant dans la capitale économique, c’est l’ampleur que prend la prostitution. Quelque soient les endroits fréquentés la nuit, le commerce de la chair s’y est installé sous toutes ses formes. Ici, il se fait discret, avec des filles bien habillées et une clientèle prête à débourser une fortune pour passer une soirée qui se terminera dans un loft, une chambre d’hôtels ou même une luxueuse villa. Cette clientèle se retrouve surtout à Aïn Diab et dans les hôtels somptueux de la ville. Mais, ailleurs, l’offre est présentée, comme de vulgaires objets sur certains grands boulevards de la ville tels Moulay Youssef, Anfa ou bien Hassan II. Si la clientèle est exclusivement masculine, l’offre quant à elle touche aussi les garçons. Pour faire le tour des points chauds de la ville blanche, il est plus prudent d’être accompagné pour des questions de sécurité. Alors, avec notre photographe - qui fait aussi office de garde du corps volontaire - nous parcourons les grandes artères de la ville.


Fatim Zahra, 20 ans, 20.000 DH..


Il est 23 heures, ce vendredi du mois de décembre, quand nous arrivons à l’incontournable Aïn Diab. L’endroit est comme d’habitude très animé avec, pour fond sonore, le concert des nombreuses voitures. Très vite une boîte de nuit est choisie. Pour l’heure, seule une vingtaine de personnes se trouve dans la salle. Une fille, au décolleté généreux, se dandine sur la piste au rythme d’une musique techno. Bien coiffée et bonne présentation, elle doit avoir une vingtaine d’années. Il n’est pas besoin de lui poser la question pour savoir qu’elle n’est pas accompagnée. D’ailleurs, son maquillage excessif et son rouge vermeille aux lèvres montrent clairement qu’elle cherche à aguicher un client pour la soirée. Dès qu’elle s’assoit, nous lui proposons de lui offrir un verre, ce qu’elle accepte volontiers. Venant d’un couple, cette gentillesse a sans doute suscité son étonnement, ce qu’elle s’est bien gardée de montrer. Mais très vite, il fallait lui expliquer que c’est pour les besoins d’un reportage que nous l’invitions. Elle accepte de jouer le jeu et de répondre aux questions. "Je m’appelle Fatima Zahra", dit-elle en se présentant. Et son histoire n’est pas très commune. Contrairement à la majorité des prostituées qui affirment venir de quartiers défavorisés, Fatim Zahra a grandi au quartier Maarif. Son père est un cadre de l’éducation nationale, alors que sa mère tient une petite boutique au rez-de-chaussée de l’immeuble où ils habitaient au Maarif. Elle répond aux questions avec une certaine désinvolture. Tout montre qu’elle a l’habitude de telles questions et ses réponses paraissent toutes faites. Elle était étudiante à la faculté de droit, mais elle n’a pas réussi son Deug. Alors elle s’est mise à la prostitution, il y a juste trois ans. Bien entendu, sa famille n’a pas accepté qu’elle sorte la nuit. Elle a donc été obligée de louer un appartement, seule, au quartier Belvédère où elle paie 2500 dirhams. Ceci n’est pas un luxe pour elle, car elle peut gagner jusqu’à 20.000 dirhams par mois en ne sortant que quatre nuits par semaine. Bien entendu, une telle somme n’est possible que pendant l’été. L’hiver, la clientèle se fait rare. "D’ailleurs, c’est pourquoi je me permets de vous parler, sinon je serais occupée à cajoler un client", dit-elle entre deux sourires. C’est en effet à cette période que les Marocains résidents à l’étranger débarquent et les tarifs sont donc forcément en hausse. Les jeunes cadres qui sortent plus souvent en été sont aussi prêts à en payer le prix. "Pas moins de 800 dirhams pour une soirée, et de toute manière je ne discute pas avec ceux qui veulent marchander". Certains n’hésitent pas à payer en euros et cela peut aller jusqu’à 2000 dirhams après conversion. Ses réponses intelligentes montrent qu’elle ne ment pas sur sa formation de base. Elle se montre tout de même fataliste. "De toute manière, même avec un diplôme, je serais obligée de me prostituer". Entre la prostitution morale qu’imposerait un patron pour un salaire de 3.000 dirhams par mois et la vente de la chair, elle affirme avoir choisi. "Ce n’est qu’un raccourci", dit-elle. "Ce n’est pas la peine de me faire la morale", enchaîne-t-elle anticipant sur la question. "Je ne tue personne et ne dépouille personne contre son gré". Et de toute manière, elle ne compte pas faire ce travail toute sa vie. Ce n’est qu’un tremplin. Pourtant, elle reconnaît que pendant ces trois ans, elle n’a pas mis d’argent de côté. Tout ce qu’elle gagne va dans les soins esthétiques et l’habillement. Cela n’entame pas son optimisme pour autant. Fatim Zahra pourrait finir dans d’autres endroits bien moins luxueux que sa boîte de nuit actuelle. Elle le sait, mais se refuse à cette idée.

Halima, 4 enfants, 15 fois en prison..


A 15 minutes de là, sur le boulevard d’Anfa, de vieilles filles d’environ 40 ans, avaient commencé comme elle. Il est environ une heure du matin. A côté de l’hôtel Val d’Anfa, une troupe d’une dizaine de femmes est en train de faire un vacarme du tonnerre pour se disputer l’emplacement, assez discret mais bien fréquenté. Parmi elles, se trouve la mère d’une fille de moins de 5 ans. Malgré le froid, elle n’est habillée que d’un deux pièces pour mettre en valeur ses bras, son ventre et ses jambes. D’ailleurs, il n’y avait rien à mettre en valeur, tellement il y avait de cicatrices, traces d’un passé tumultueux. Mais, il fallait être à moins de deux mètres pour s’en rendre compte. La légère pénombre permettait d’être à l’abri. Dans la voiture, le photographe essaie de prendre quelques clichés. La jeune mère qui croyait avoir affaire à un client, réalise à peine que ce n’est pas le cas qu’elle saute sur une pierre et la lance sur le véhicule avec toute la force de la déception. Quatre ou cinq autres femmes la suivent. L’endroit n’était pas suffisamment sûr pour y rester. Mais, une voiture du Groupement urbain de sécurité (GUS, police mobile) s’approche. Le vacarme s’arrête et les autres femmes disparaissent en l’espace d’une fraction de seconde. Seule reste cette femme avec sa jeune fille sous le froid et sur le trottoir. Apparemment, les agents de sécurité la connaissent bien. Elle s’appelle Halima et sa fille, Asmae. Halima affirme n’avoir que 26 ans, mais elle en parait au moins 40. De sa bouche, la femme, sort une lame de rasoir et menace de se taillader les veines, puis de leur couper la tête, si les agents refusent de la laisser tranquille. "Vous venez juste de me libérer, il faut bien que je gagne un peu d’argent", leur crache-t-elle au visage. Ses menaces font visiblement sourire les agents de sécurité. Au même moment, la jeune fille de 5 ans vocifère à son tour en pleurant : "laissez ma mère tranquille". Un agent s’adresse, dans son talkie-walkie, à un supérieur pour lui demander ce qu’il faut faire. L’estafette passera d’un moment à l’autre, lui répond-on. "Ce n’est pas la première fois que la mère et sa fille sont arrêtées", nous dira un des agents. Elle est passée devant le tribunal à plusieurs reprises et a fait de la prison une quinzaine de fois. Mais elle recommence après chaque sortie. Halima a quatre enfants, dont deux d’un premier mariage. "Les deux autres, c’est le boulevard d’Anfa qui est leur père", ironise l’agent de sécurité qui était en communication avec la centrale. Venue du quartier défavorisé de Hay Moulay Rachid à Sidi Othman, elle racole sur le Boulevard d’Anfa depuis de longues années espérant avoir les ouvriers du bâtiment ou d’autres infortunés comme clients. Entre deux passes, elle demande à sa fille de rester l’attendre. Cette soirée ne sera pas son jour de chance, car l’estafette l’emmènera encore une fois. Les pleurs de sa fille n’y changeront rien.

Le tapin, devant le consulat américain


Non loin du Boulevard d’Anfa, le Boulevard Moulay Youssef est tout autant fréquenté. A proximité du consulat des Etats-Unis, cinq femmes sont alignées sur le trottoir. Il est environ 2 heures du matin. L’une d’elle semble cacher une grossesse sous sa djellaba. Bizarrement, elles semblent bénéficier de la complicité des agents de sécurité du consulat. Ou bien ces derniers s’amusent, pour occuper leurs nuits de gardes, à leur faire peur. En tout cas de temps en temps, ils crient : ils arrivent". Et, les filles disparaissent immédiatement. Quand elles réapparaissent après l’alerte qui avait été donnée, le photographe décide de prendre quelques clichés. Mais une fois de plus, il est pris à partie. Les filles se ruent toutes sur lui. "Tu n’as pas le droit de nous photographier, donne-nous ta carte". Puis, menaçantes, elles ajoutent : "et toi qui es une femme, tu devrais prendre notre défense". Même en leur donnant l’assurance que les photos ne seraient pas publiées, rien n’y fait, elles n’en démordaient pas. Le photographe ne devra son salut qu’à une autre alerte qui, cette fois, n’était pas fausse. Ce spectacle est devenu très fréquent sur le Boulevard Moulay Youssef. "Quand j’ai commencé à travailler dans la police, il n’y avait que deux ou trois filles", mais aujourd’hui, elles peuvent atteindre une vingtaine par nuit", explique cet agent de police dans l’estafette qui s’est arrêtée devant nous. "Nous les arrêtons chaque nuit, mais elles poussent comme des champignons". Pour les besoins du reportage, l’agent nous conseille d’ailleurs de faire le boulevard Hassan II, celui d’Anfa ou bien l’avenue Mohammed V. Les rondes de police y sont beaucoup plus fréquentes, surtout après les attentats du 16 mai 2003. Mais la misère des blessés de la vie est sans doute plus forte que la menace de passer une nuit au poste de police ou bien devant le tribunal.

Les hommes aussi, à la ligue arabe..


D’ailleurs, les filles ne sont plus les seules à prendre ces risques. De jeunes garçons travestis prennent le relais. Ils ont ainsi fait du parc de la ligue arabe leur territoire qu’ils ne partagent avec aucune fille, la nuit. Il est d’ailleurs assez tard, environ 3 heures et quart du matin, quand notre voiture s’arrête devant une jeune fille sur le boulevard Hassan II, à hauteur du parc de la ligue arabe. Elle croit sans doute avoir affaire à des clients et s’approche. Elle sera surprise de voir qu’il s’agit d’un couple comme nous le serons d’apercevoir une pomme d’Adam et une voix masculine. C’était un garçon. Le convaincre n’a pas été facile, mais avec un billet de 50 dirhams, il accepte de parler. Je m’appelle Nada, mais mon vrai nom c’est Mohamed. Il est beaucoup plus efféminé que n’importe quelle autre femme. A la question de savoir ce qu’il faisait dans ce parc à cette heure, il répond avec humour : "je suis le gardien du parc", avant de dire sur un ton plus sérieux : "voyons, j’attends des clients". Il dit être issu d’une famille berbère très conservatrice qui n’a pas accepté ce qu’allait être sa condition. "J’ai essayé de les convaincre que j’étais comme ça, mais ils n’ont pas voulu m’écouter". Il a même essayé de se suicider, dit-il. Ce n’est qu’après cette tentative, qu’ils ont accepté de le laisser sortir la nuit. En fait, il leur aurait affirmé qu’il travaillait dans une boîte de nuit. Pendant que la discussion se déroulait, un de ses amis travestis, vient l’avertir qu’il fallait faire attention avec les jeunes qui s’approchaient. Probablement, voulait-il en savoir plus sur ce qui se passait car la discussion avec Nada s’éternisait. Mais l’insécurité est bien réelle. Nul ne fait de cadeau aux travestis qui sont d’ailleurs bien connus des services de police. En tout cas Nada, lui, raconte qu’un jour, il a été victime d’une violence gratuite. Deux femmes dans une voiture sont venues lui proposer de les accompagner moyennant 300 dirhams. L’argent encaissé, il est parti avec elles sur la route de Berrechid. Arrivé dans une villa, trois hommes en sont sortis, l’ont roué de coups et dévêtu, puis l’ont laissé sous le froid. Ce sont les risques du métier. Comme ceux que prennent Halima, les femmes devant le consulat, celles de l’avenue Mohammed V et toutes les autres. Ce monde nocturne a ses règles, ses mauvaises surprises et... Ses miracles que, sans doute, tout un chacun, là-bas, attend !

Hanane Hachimi

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